Le jury du Grand Prix de traduction de la Ville d’Arles, constitué de traducteurs littéraires et d’écrivains ayant une expérience de la traduction, distingue cette année Xavier Luffin pour Les Jango d’Abdelaziz Baraka Sakin, un roman traduit de l’arabe du Soudan.
Les Jango sont ces saisonniers qui viennent de tous les coins du Soudan pour récolter le sésame, le blé et le sorgho. Un jour débarquent des moissonneuses mécaniques qui les privent brutalement de leur gagne-pain. Ils se soulèvent et mettent alors en déroute les militaires envoyés par Khartoum.
Mettant en scène un grand nombre de personnages issus de différentes ethnies et catégories sociales – des plus aisées aux plus misérables –, le roman d’Abdelaziz Baraka Sakin présentait de nombreux défis à la traduction. Les prisonniers y côtoient les gardiens et les hommes libres. Les jeux de pouvoir – politique, financier ou entre les sexes – s’y déroulent à rebours des idées reçues. Le poids de la réalité ménage une place à la magie et aux sortilèges, et la sobriété alterne avec la folie douce procurée par la fumée ou les liqueurs.
Cette diversité se donne à lire dans une langue extrêmement variée, truffée de mots d’importation issus d’autres langues comme le tigrinya, ou encore de pays voisins comme l’Éthiopie. La langue arabe utilisée combine différents niveaux de langage, depuis les récits et contre-récits de la narration, déroulés dans un arabe littéraire classique, jusqu’aux dialogues échangés en dialecte soudanais.
La traduction de Xavier Luffin a su rendre ces nombreuses subtilités linguistiques – tout en laissant une part de leur élucidation au lecteur – et nous guider à travers la richesse culturelle de ces mondes imbriqués.”
Le prix lui sera remis vendredi 6 novembre, à 16h30 la Chapelle du Méjan d’Arles, pour l’inauguration des 37es Assises de la traduction littéraire.
Créé en 1995 sous le nom de Prix Amédée Pichot, le Grand Prix de Traduction de la Ville d’Arles récompense chaque année la traduction d’une œuvre de fiction, remarquable par sa qualité et les difficultés qu’elle a su surmonter.
Sa dotation est portée cette année à 5 000 € par ATLAS.
Xavier Luffin est professeur de littérature arabe à l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Depuis 2019, il est le doyen de la Faculté de Lettres, Traduction et Communication de cette même université. Il est aussi membre de l’Académie Royale de Belgique et de l’Académie Royale des Sciences d’Outre-mer (Belgique).
Il a traduit de nombreuses œuvres (romans, nouvelles, poésie, théâtre) d’auteurs de langue arabe (Égypte, Liban, Israël, Palestine, Irak, Syrie, Maroc, Tunisie, Somalie). Son intérêt pour la littérature soudanaise en particulier, au carrefour des cultures arabe et africaine, lui a permis de faire découvrir aux lecteurs francophones les œuvres d’Abdelaziz Baraka Sakin (Le Messie du Darfour et Les Jango, éditions Zulma), mais aussi d’Ahmad al-Malik (Safa ou la Saison des pluies, Actes Sud), Amir Tagelsir, Stella Gitano et quelques autres. Il a également traduit quelques ouvrages du turc et de l’anglais, notamment le roman Borderland du Libérien Vamba Sherif (éd. Métailié), et plus récemment un récit de voyage du 19e siècle, D’Afrique en Palestine (CNRS éditions), du grand intellectuel libérien Edward Wilmot Blyden.
Les traducteur·rice·s finalistes du GPTVA 2020 :
• Traduit de l’anglais (Nigéria) par Marguerite Capelle, Eau douce, d’Akwaeke Emezi • éditions Gallimard, 02/2020
• Traduit du norvégien par Marie-Pierre Fiquet, Le Serveur, de Matias Faldbakken • éditions Fayard, 05/2020
• Traduit de l’espagnol par Marie-Odile Fortier-Masek, Berta isla, de Javier Marias • éditions Gallimard, 08/2019
• Traduit de l’allemand par Daniel Mirsky, Le Voyageur, d’Ulrich Alexander Boschwitz • éditions Grasset, 2020
• Traduit de l’anglais par Laurent Trèves, Au rythme de notre colère, de Guy Gunaratne • éditions Grasset, 01/2020