TROIS JOURS APRÈS LA BARBARIE
Nous sommes le lundi 16 novembre 2015. En ce jour de deuil, les mots nous manquent pour pleurer les victimes et exprimer nos condoléances à leurs proches. Les mots nous semblent dérisoires.
Pourtant, il faut trouver la force de trouver les mots. Au cours des dernières heures, on a beaucoup entendu prononcer un terme simple et malheureusement générique : « la guerre »… Cependant, si guerre il y a, elle n’a pas commencé vendredi dernier, pas plus que le 11 janvier ou le 11 septembre, mais bien des siècles plus tôt, le jour où, contre la doxa, des hommes ont affirmé que les différences entre les peuples constituaient une richesse. Depuis, leurs descendants mènent un combat contre l’obscurantisme, contre l’ostracisme, contre le refus de l’autre, un combat dans lequel nous autres traducteurs jouons un rôle primordial, car c’est à nous qu’échoit la tâche de faire connaître l’étranger, de faire en sorte qu’il ne soit plus considéré comme un barbare. Il est des jours, aujourd’hui par exemple, où cela n’est pas simple, car des émotions légitimes prennent le dessus : tristesse, horreur, et peur, bien sûr. Mais qu’est-ce que la peur sinon une occasion de faire preuve de courage ?
Alors, continuons ce combat avec la seule arme dont nous disposions : les mots, ces mots si dérisoires malgré toute leur beauté, ces mots qui, isolés, n’ont que peu de poids, mais qui, lorsqu’ils se regroupent en phrases, en paragraphes et en livres, grandissent et deviennent l’essence même de notre humanité.
Traduisons, traduisons et traduisons encore, de toutes nos forces, avec rage, avec fierté, avec amour, avec humilité, dans la certitude qu’un jour, cette guerre pour la diversité et le mélange des cultures, la seule guerre qui compte, nous la gagnerons.
Santiago Artozqui, président d’ATLAS