Dehors, il fait froid mais le chauffage est en marche dans le salon du quatrième étage.
« Fabriqués » et « fabriqueurs » prennent place : trois personnes par canapé et deux sur des fauteuils. Nous hésitons pendant que derrière nous le thé infuse. Qui doit commencer ? Et comment ?
Les trois français ont un ordinateur posé sur les genoux. Les trois « hispanos » ont des feuilles de papier qu’ils ont pris soin d’imprimer en prévision de cette session collective de lecture et questions ouvertes. Ils ont déjà décidé de la répartition des lectures : Pablo lira le texte de Sol, Sol celui de Marta et Marta celui de Pablo. Adrienne, Antonio et moi échangeons au dernier moment nos ordinateurs dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. « Prends donc le mien, moi je récupère celui d’Adrienne et tu lui donnes le tien, ok ? »
Nelly a empilé sur ses genoux et sur le canapé autour d’elle, tous nos livres pour suivre en version originale les textes qui seront lus. Gabriel, sourire amusé et bienveillant aux lèvres, nous observe.
Puis tout est prêt. Il n’y a plus qu’à commencer.
Adrienne se lance avec le texte d’Antonio qui écoute religieusement, un air très sérieux sur son visage. Applaudissements. On sert le thé.
Vient le tour de Pablo. Applaudissements. Et on enchaîne. Un texte en français. Un texte en espagnol.
C’est la première fois que j’entends mon texte lu par quelqu’un d’autre. C’est fort. Les idées d’un autre dans mes mots et dans la voix d’un autre. Un beau mélange que la traduction.
Mais, passée l’émotion première, vient le temps des questions. Nous en avons tous à soumettre à nos camarades, nos « co-fabriqués », et à nos tuteurs, nos « fabriqueurs ». « Dispará » répond Sol à Antonio qui demande la permission de poser la sienne. Chacun notre tour nous faisons feu. Le débat s’envole en français, puis en espagnol, et finalement dans un joyeux mélange. Nous puisons dans chaque langue le mot qui nous convient le mieux – ou celui qui nous vient le plus rapidement. Les tendances de traduction s’affichent : il y a ceux qui collent au texte et ceux qui extrapolent. Chacun y va de son interprétation pour trouver le mot juste et les claviers d’ordinateur crépitent. On continuerait bien toute la nuit mais, à 18h, vendredi s’achève et le week-end commence.
Lucie Maurel Petetin