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La 4e édition du Printemps de la Traduction s’est achevée samedi par une sublime lecture d’Anne Alvaro et Julien Duval au Centre Pompidou. Victorien Attenot, étudiant en master 1 à l’ENS Lyon en études hispanophones et en stage chez ATLAS, nous a accompagnés durant ces quatre jours. Il nous propose ici son regard de potentiel futur traducteur sur les rencontres et les différents temps forts de la manifestation.
Disons-le tout de go: ce Printemps de la Traduction édition 2018 aura été riche en événements.
Commençons par le commencement : la soirée d’ouverture du mercredi à la Maison de la Poésie. Les traducteurs, éditeurs, auteurs, penseurs, membres de l’association ATLAS et stagiaires (peut-être n’étais-je pas le seul) ont constitué cette ruche humaine s’activant dans l’atypique passage Molière de ce quartier de Beaubourg où se sont concentrées les rencontres du mercredi et du samedi. Le mercredi, donc, la conférence inaugurale de Bernard Banoun a donné le ton. Il s’agissait de « Traduire pour dire le monde : un enjeu du xxe siècle». En effet, Bernard Banoun a bien exposé les enjeux d’un siècle marqué par une croissance exponentielle des traductions. Toute une réflexion devait nécessairement s’y consacrer, ce qu’a fait Bernard Banoun avec profit. Après cette docte entrée en matière est venu le moment d’une lecture musicale de Cette maudite race humaine de Mark Twain, assurée par Jörn Cambreleng accompagné aux clarinettes par Carjez Gerretsen. Cette mise en relief musicale mais aussi la couleur de la voix de Jörn Cambreleng ont restitué la valeur de ce texte écrit à la fin de la vie de Mark Twain. Sur cette bonne note littéraire, si l’on peut dire, la première soirée s’est refermée, non sans fêter ces retrouvailles du monde de la traduction, par un buffet.
Parmi les nombreuses rencontres en librairie qui se sont enchaînées les jours suivants, j’ai choisi d’assister à celle du vendredi à la librairie Cien Fuegos. C’est arbitraire, mais en tant que locuteur de l’espagnol, je me devais d’écouter l’avis du traducteur de Plaza Irlanda d’Eduardo Muslip, à savoir Guillaume Contré accompagné des modératrices Margot Nguyen Béraud et Maïra Muchnik. La petite librairie a été rapidement remplie par un public tout ouïe à une lecture bilingue de l’œuvre en espagnol d’Argentine et en français. De l’Argentine, le livre fait ressortir sa spécificité : Plaza Irlanda est entre autres un récit tissé autour de la topographie de Buenos Aires. Cette dimension géographique est un enjeu de traduction, et le traducteur a dû faire violence au texte quand des diminutifs propres de l’auteur comme «quietecitos» obligaient à des détours langagiers en français. Le naturel de Guillaume Contré et l’à propos de Margot Nguyen Béraud et de Maïra Muchnik ont fait le succès de cette rencontre qui, une fois n’est pas coutume, se prolongeait par des discussions à la guise des participants.
Maïra Muchnik intervenait dès le lendemain matin pour animer un atelier de traduction auquel j’ai assisté pour les mêmes raisons que pour la rencontre en librairie. L’origine guinéenne de l’auteur traduit expliquait certains choix de traduction prenant en compte une narration éclatée et une langue teintée d’étrangeté. La perception de l’œuvre à travers la traduction étant soumise à relecture de l’éditeur, une partie de l’atelier a consisté à tirer au clair les choix de l’éditeur pour ce livre en particulier, qui, de l’aveu même de Maïra Muchnik, est un « cas d’école ». Nous mettions ainsi les pieds dans l’unes des thématiques de cette quatrième édition du Printemps de la Traduction : traduire une langue fantôme. En l’occurence pour Juan Tomás Ávila Laurel, le français, les langues bantoues qui ont un ancrage et une histoire locale. Plus tard, le dialogue entre Saša Stanišic et Françoise Toraille et la lecture d’« Iode », extrait du recueil Préliminaires pour un verger futur de Karim Kattan, ont éclairé la réflexion sur cette problématique de la langue fantôme chez les auteurs, et donc chez les traducteurs. À la lecture par Anne Alvaro et Julien Duval de cette nouvelle, l’émotion a pris le dessus. Celle provoquée par l’injonction faite par la mère du narrateur : « ne pas parler la langue rauque » de la mémoire.
Sans aucun doute, ce Printemps de la Traduction 2018 aura été riche en événements… et en émotions.