Miguel Ángel Feria est l’un des cinq lauréat•es du programme Culture Moves Europe 2024.
En résidence au CITL du 8 janvier au 7 mars 2024, Miguel Ángel traduit Le Contre Ciel, de René Daumal (Gallimard, 1970) du français vers l’espagnol.
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“Adapter le rythme libre et la respiration profonde et sauvage de Daumal à la langue espagnole”
ATLAS – Bienvenu au CITL ! Peux-tu nous parler rapidement de ton parcours, et de ce qui t’a amené à devenir traducteur littéraire ?
Miguel Ángel Feria – Mon premier contact avec la poésie étrangère a eu lieu à l’âge de 16 ans, lorsque j’ai lu pour la première fois Baudelaire (traduit en espagnol). J’ai été choqué et j’ai entrepris d’apprendre le français pour pouvoir le lire dans sa langue originale. Petit à petit, j’ai commencé à traduire moi-même pour réfléchir, repenser, reparler ma propre langue et ma propre poésie. Il s’agit d’enrichir les ressources et les possibilités d’expression. Mireille Gansel dit : “La traduction comme une argile dans laquelle je peux modeler mon propre langage intérieur”. Ma première traduction a été une Anthologie de poésie parnassienne pour la maison d’édition Cátedra. J’ai ensuite traduit L’art d’être grand-père de Victor Hugo et L’âge de la parole du poète canadien Roland Giguère. J’ai également traduit Xylophonie contre la grande presse et son petit public d’Antonin Artaud et Henri Pichette, qui sera publié cette année 2024.
ATLAS – La résidence Culture Moves Europe s’adresse spécifiquement à des projets de traduction d’envergure, nécessitant un séjour de 2 mois. Peux-tu nous parler de celui sur lequel tu travailles ? Quels sont les défis et les problèmes que tu peux rencontrer ?
M.Á.F. – Dans le cadre du programme Culture Moves Europe, je traduis Le Contre-Ciel de René Daumal. En ce qui concerne les défis et les problèmes, je dois commencer par parler de la difficulté d’adapter le rythme libre et la respiration profonde et sauvage de Daumal à la langue espagnole. D’autre part, dans le domaine des symboles, il faut essayer de trouver un consensus entre ce qui est unique à sa poésie et ce qu’un lecteur hispanophone pourrait trouver familier, compte tenu de sa tradition littéraire. La première question ne devrait pas être : “comment traduire Daumal ?”, mais : “comment Daumal écrit-il ?” Respirer avec ses poumons.
ATLAS – Que t’apporte le fait de travailler en résidence au CITL, par rapport à tes conditions de travail habituelles ?
M.Á.F. – Cela me donne tout d’abord l’espace et le temps nécessaires pour me consacrer exclusivement à ce projet. Un espace de travail idyllique, avec une bibliothèque très fournie en ouvrages de traductologie et en dictionnaires. Une équipe qui vous aide pour tout ce dont vous avez besoin pour mener à bien votre travail. Et un point de rencontre avec d’autres traductrices et traducteurs de différentes parties du monde avec lesquels je peux consulter et partager les défis de la traduction. Enfin, et ce n’est pas le moins important, dans une ville très inspirante comme Arles!
ATLAS – Quels auteurs ou livres aimerais-tu traduire, qui ne le sont pas encore en espagnol ?
M.Á.F. – En ce moment, j’ai sur la table Infiniment proche et Le désespoir n’existe pas de Zéno Bianu, que j’aimerais traduire dans un avenir proche.
Le Contre-Ciel, de René Daumal (Gallimard, 1970)
« Je veux vivre toujours d’une vie plus réelle, en rejetant dans le monde tout ce qui me limite, et dont je fais aussitôt une Existence, une Matière, un Objet de connaissance. Comme cette négation s’opère dans la durée irréversible, ce que je rejette hors de moi, je le rejette aussi dans le passé. Ainsi, je ne suis véritablement que dans l’acte de négation et dans l’instant. Ma conscience se cherche éternelle dans chaque instant de la durée, en tuant ses enveloppes successives, qui deviennent matière. Je vais vers un avenir qui n’existe pas, laissant derrière moi à chaque instant un nouveau cadavre.»
«La négation “pure”, loin d’être une simple opération de la logique discursive est, pour Daumal, un “ACTE positif” qui lui permet à “chaque instant” de faire le point du chemin parcouru et d’apprécier combien il s’est dégagé, chaque fois par un acte voulu et vécu, de tout ce qui le lie à une réalité épaisse – dépourvue de lumière. Pourtant cette lumière existe et procède d’un “Point unique” que le poète peut entrevoir et indiquer aux autres comme “graine d’un Contre-Monde”.» Claudio Rugafiori.
This work was produced with the financial assistance of the European Union. The views expressed herein can in no way be taken to reflect the official opinion of the European Union.