Voilà les narodnjaci.
Il y avait narodni (du peuple), narodnost (ethnicité?), narodnjaštvo (l’effet de narodnjak dans la société ou bien un mouvement politique russe, narodnaïa volia, à voir du côté de Tchernychevski), narodnjiki (qui relève du narodnjaštvo…), sunarodnjak (compatriote), narodnjački (propre au narodnjak…) ; et tout ça, on le lie, lit, délie (et délits) à partir de…narod, le peuple.
Voici, donc, les narodnjaci. Rien de très sévère. La traduction n’est-elle pas que du grattage de papier ? (« stp, retape-moi ça en français », dit le rédac-chef à son sous-fifre de traducteur »). D’ailleurs, pour prendre un autre exemple – l’aparté ne sera pas long, je vous rassure – « klin se klinom izbija », un proverbe bien connu, n’est-il pas rendu par notre cher goût-gueule translettreur© par « prenez un poil du chien qui vous a mordu » ?… « Soigner le mâle par le mâle » m’aurait moins surpris…
Bref. Dubravka me donne du fil à retordre, je ronge mon frein, elle me donne narodnjaci à détordre : musique pop? Oui, puis moi je suis le Pape… Folk ?… c’est un calque. Folklorique ?…lyrique, éventuellement. Dans narodnjak c’est le peuple qui est là, c’est la musique aussi, puis ce n’est pas n’importe quel peuple ni n’importe quelle musique. Années 90, ex-Yougoslavie, Croatie.
L’auteure croasse, sise sur un siège éjectable, elle tente de me faire comprendre, avec force humour et une cohérence fortes comme un fleuve qui viendra jeter nos stéréotypes aux abîmes, ce qu’a été, est et ne sera plus la Yougoslavie. D’accord. Mais moi, je ne l’ai pas vécue cette Yougoslavie, je n’y ai pas eu droit, pas au bon (mauvais?) endroit au bon (mauvais?) moment. Et il y a des mots croates qu’elle a oublié d’écrire en français. Je ne me plains pas, d’ailleurs, cet après-midi encore, je disais à un ami : « faut qu’on continue à trouver des endroits où l’on ne se comprend pas sinon, il y aura un jour où on n’aura plus rien à traduire », puis je me suis arrêté, j’ai bien senti que j’allais dire des choses stupides. En plus, il est chinois. Puis lui, au moins, il parle français. Moi non. Enfin, je veux dire que je ne parle pas le chinois.
Ensuite, je voudrais avoir l’avis d’un lecteur bien attentionné et intentif sur ce passage :
narodnjaci su, ispostavlja se, naše zajedničko smeće nerješivo poput pustinjske prašine / on constate que les narodnjaci sont des ordures communes dont on ne peut venir à bout, comme les grains de sable venus du désert
Si ma traduction et la compréhension en amont sont bonnes, Dubravka a pensé ici à ses traducteurs ?! « On ne peut en venir à bout », dit-elle ! Laisse donc, insinue-t-elle entre les lignes, ces narodnjaci vont s’infiltrer dans tes pensées, ils te grignoteront jusqu’au dernier mot de vocabulaire, tu n’y es plus, prépare-toi à souffrir, soupèse ce qu’il te reste de mots à vivre !
…
Je veux terminer ce court billet par un point d’interrogation, je cherche simplement la formulation ; et ce faisant, je me dis justement que ces choses qu’on cherche à traduire correspondent peut-être plus souvent à des questions mal formulées qu’à des réponses mal trouvées. Mais je n’en suis pas sûr. Et vous ?