L’atelier français / japonais a débuté le 5 septembre dernier au CITL d’Arles. Depuis une semaine, un deuxième tutorat a débuté avec Catherine Ancelot et Kei Takahashi. D’autres points de vue et sensibilités pour aborder les textes choisis par les six jeunes participants à cette 19e session de formation de La Fabrique des traducteurs. Félix Portier donne ses impressions après un mois d’atelier.
“La traduction… un exercice solitaire ? Lorsqu’on ouvre un livre et qu’on regarde de qui est la traduction – réflexe de traducteur… ah, c’est lui ! On risque de passer un bon moment, alors –, on ne voit bien souvent qu’un nom, ou deux, à tout casser.
La Fabrique, c’est six traducteurs en herbe, deux traducteurs en arbre – des pros, quoi –, qui mettent leurs esprits en commun pour faire passer comme il faut des textes d’une langue à une autre… Mais tous ces esprits, il faut les accorder ! Qui va donner le la ? La tonalité ? Est-ce qu’à la fin, on arrivera à quelque chose qui sonne juste ? En plus, il va falloir les mettre en voix, ces textes, on a une lecture publique à faire… la musique, c’est pas juste pour la métaphore.
Voilà. Je me me posais toutes ces questions avant de commencer la Fabrique. Je me demandais si on allait tous s’entendre, si chacun n’allait pas être un cheveux dans la soupe de l’autre.
Il allait falloir lire les textes à voix haute, les décortiquer. Je n’avais pas envie de rentrer dans la chambre des autres pour tout déranger leurs affaires de traduction, comme ça, comme un enfant.
Mais la Fabrique des traducteurs, c’est justement ça. Tout le monde entre dans ma chambre. Un vrai moulin, je vous dis. On met à nu mon processus de traduction. On regarde mon écriture dans son intimité, comment j’interprète mes textes. On dissèque toutes mes affaires. Et le soir, je me retrouve avec la chambre sens dessus-dessous. Merci ! On ne va pas laisser ça comme ça, il faut ranger.
Alors, je m’assieds sur le plancher et je prends toutes les feuilles volantes, j’ouvre toutes les boîtes qu’on a fait tomber de mes étagères. Parfois, je garde, toujours, je regarde, souvent, je jette. On me force à faire le tri. Ça remet en question, la Fabrique, ça fait du mal et ça fait du bien en même temps.
Pour moi, c’est ça, la Fabrique des traducteurs. On essaie de nous épurer et de nous aiguiser, de faire de nous des traducteurs bien affutés, à l’œil alerte, qui avancent sans peur dans la jungle des textes, entre les lianes, entre les langues. Nos traducteurs en arbres – les pros – semblent d’accord pour dire qu’une Fabrique comme ça, à l’époque où ils étaient encore poussins-traducteurs, comme on dit en japonais – honyakuka no tamago datta koro 翻訳家の卵だった頃 –, ça leur aurait fait gagner quelques années. Je crois parler au nom de tous en disant que nous, traducteurs en herbe, on est heureux d’avoir cette chance, on remercie.
Deux têtes valent mieux qu’une, c’est ce qu’on dit, n’est-ce pas ? Nous, on est huit.”
© Romain Boutillier / ATLAS
Émeline BOUCHERON, Salomé HERVÉ, Félix PORTIER, SEGAWA Megumi, TAKAYANAGI MORITA Kazumi et YOKOTA Yuya
Les Encres fraîches de l’atelier français/japonais
Mise en voix : Catherine Salvini
Dimanche 13 novembre à 11h15 à l’Église des Frères prêcheurs
Dans le cadre des 33es Assises de la traduction littéraire.
Rue du Dr Fanton – 13200, Arles
Mardi 15 novembre (horaire à venir) à la Maison du Japon – Cité universitaire internationale de Paris
7c, Boulevard Jourdan – 75014, Paris