
Diplômé en traduction et interprétation de l’université de Salamanque, Enrique Alda se consacre exclusivement à la traduction depuis vingt-cinq ans. Il a traduit plus de cent cinquante livres en espagnol. Au cours des quinze dernières années, Enrique a concentré ses efforts sur la littérature et la poésie irlandaises, et partage son temps entre les montagnes de Wicklow, en Irlande, et les contreforts de Moncayo, en Espagne.
Pendant sa résidence Culture Moves Europe, Enrique travaille sur la traduction de Histoire d’un ruisseau (1869) et Histoire d’une montagne (1880), d’Elisée Reclus.
Pendant ta résidence avec Culture Moves Europe, tu traduis Histoire d’une montagne et Histoire d’un ruisseau, d’Élisée Reclus, en espagnol. Peux-tu nous parler de ce projet et des défis que tu rencontres ?
Ces deux livres avaient déjà été traduits en espagnol, mais il s’agit de traductions très anciennes et, malheureusement, peu soignées. Je travaille avec Julián Lacalle, responsable de Pepitas de calabaza, depuis plus de vingt ans : c’est lui qui m’a demandé cette nouvelle traduction.
Élisée Reclus était un anarchiste, géographe, visionnaire, voyageur, naturaliste, végétarien, poète et pionnier de l’écologie du 19ème siècle qui plaida pour un retour harmonieux à la nature. Il publia Histoire d’un ruisseau en 1869 et puis Histoire d’une montagne en 1880, deux récits qui auront un très fort retentissement et une large diffusion.
Histoire d’un ruisseau est un texte étonnant, sinuant joliment entre la vulgarisation scientifique et le poème élégiaque, la réflexion philosophique et même l’esquisse d’une économie de l’écologie, bien avant la lettre.
Histoire d’une montagne est un traité géographique sur la montagne et ses paysages écrit de manière poétique. C’est une fascinante œuvre littéraire, d’une étonnante modernité, qui associe regard scientifique et réflexion philosophique sur la liberté et le bonheur ; une véritable ode à la nature, une exploration profonde des liens entre l’homme et son environnement.
L’une des surprises de ces deux textes est que, bien qu’ils aient été écrits il y a 150 ans, ils sont tout à fait d’actualité. Reclus parle des problèmes et des situations auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui.
Un aspect particulièrement captivant d’Histoire d’une montagne est son analyse de l’impact environnemental de l’activité humaine sur les écosystèmes montagneux. Avec une clairvoyance remarquable pour son époque, Reclus soulève des questions qui résonnent encore aujourd’hui sur la préservation de ces espaces naturels uniques.
Les deux livres sont des textes profonds et émouvants qui invitent à la réflexion et au militantisme pour un monde plus juste et durable. Le style est descriptif, toujours chaleureux et poétique, mais en même temps clair et simple. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une œuvre d’avant-garde, en avance sur son temps, mais néanmoins écrite au XIXe siècle comme une conversation plaisante avec le lecteur, ce qui est en soi le reflet d’une époque.
Le grand défi du traducteur consiste donc à recréer cette atmosphère dans une langue destinée aux lecteurs du XXIe siècle, qui soit à la fois fidèle au texte original et respectueuse de ce dernier, et à faire revivre son style à la fois poétique et avant-gardiste.

Pourquoi as-tu choisi de participer à cette résidence Culture Moves Europe ?
La traduction des deux livres sur lesquels je travaille prend beaucoup de temps et cette bourse m’a permis de passer trois mois en France. Je traduis depuis vingt-cinq ans, davantage de l’anglais vers l’espagnol, surtout des auteurs irlandais, mais je n’ai jamais cessé de traduire des livres en français et je me suis toujours intéressé à la culture et à la littérature françaises.
Travailler au Collège international des traducteurs littéraires me permet de m’immerger dans la culture, de parler et penser en français et, bien sûr, de discuter de mes doutes avec d’autres traducteurs.
Dans ces trois mois j’ai rencontré plusieurs collègues traducteurs, je me suis fait des amis et j’ai partagé de nombreuses expériences. Nous avons organisé des dîners pour lesquels chaque résident apportait un plat de son pays, et même des soirées musicales dans une atmosphère amicale et solidaire.
Bien sûr, on a parlé de traduction, mais aussi des pays dans lesquels nous vivons, de leurs coutumes et leurs particularités, des langues qui y sont parlées et de l’état de la profession dans ces pays.


(Arthaud poche, 2017)
« À mesure que grandissent notre savoir et notre puissance matérielle, notre volonté d’homme se manifeste de plus en plus impérieuse en face de la nature. »
Si l’homme était plus attentif à la beauté de la nature, il cesserait de courir et s’arrêterait pour cueillir le bonheur au détour d’un ruisseau. Le modeste ruisseau comme le fleuve majestueux, la cascade légère comme l’imposant glacier deviennent sous le regard d’Élisée Reclus des sources inépuisables de savoir, des manifestations sublimes de l’harmonie naturelle. C’est avec la curiosité du savant et l’émerveillement du poète qu’il nous livre ses réflexions sur l’origine des montagnes et des cours d’eau, mû par le désir de retrouver une simplicité originelle dans l’observation de la nature.
Pourquoi l’homme ne prend-il pas exemple sur le ruisseau qui creuse son chemin tout en composant avec l’ordre environnant ? L’observation de la nature doit nous apprendre un progrès raisonné et respectueux. C’est à cette seule condition que l’homme pourra se vanter d’être la plus intelligente des créatures terrestres. Accompagner Élisée Reclus le long de ses marches, c’est se donner l’opportunité d’en prendre conscience.

This work was produced with the financial assistance of the European Union. The views expressed herein can in no way be taken to reflect the official opinion of the European Union.