D’un cycle d’événements consacré à la traduction initié en 2015 par les éditions lilloises la contre allée, D’Un Pays L’autre devient un festival. Après une première rencontre organisée en juin avec Nathalie Carré, la traductrice de Kei Miller, l’édition 2019, intitulée “Dominations – Langues, traduction et société”, poursuivra l’exploration de sa thématique du 25 au 30 septembre, de Lille à Saint-Jans-Cappel.
D’Un pays L’autre qui a pour objectif de toujours rappeler l’importance de la traduction et de sensibiliser le public à ses enjeux, interrogera cette année la traduction sous le prisme des dominations, qu’elles soient linguistiques ou sociétales. Un thème qu’avait également abordé ATLAS en 2016, lors des 33es Assises de la traduction littéraire intitulées L’Empire contre-écrit.
Du 25 au 30 septembre, entre Lille et Saint-Jans-Cappel, de nombreuses rencontres ont été imaginées pour traiter cette vaste thématique, sous des angles aussi variés que la créolité, la marginalisation des langues et littératures dites mineures ou encore la glottophobie.
Parmi ces rencontres, Edwy Plenel inaugurera l’événement avec une conférence consacrée à la domination linguistique dans la pensée d’Édouard Glissant, Agnès Desarthe évoquera Virginia Woolf et la sauvagerie des mots, Nathalie Carré (traductrice associée du festival) animera un atelier de traduction de l’anglais de Jamaïque au français à partir d’un extrait du roman de Key Miller, By the Rivers of Babylone (Zulma, 2017), l’écrivain Maylis de Kerangal et ses traducteurs Jordi Martín Lloret (catalan) et Maria Baiocchi (italien) se livreront à une lecture multilingue de son roman en cours de traduction, Un monde à portée de main (Verticales, 2018), au Théâtre du Nord puis à une rencontre à la Villa Marguerite Yourcenar.
Le communiqué
Les centres colonialistes avaient projeté leurs langues comme des filets. La langue, en ces temps d’expansion, ne servait pas à questionner le monde. Elle devenait un tamis d’ordre par lequel le monde,clarifié, ordonné, devait se soumettre aux déchiffrements univoques d’une identité.
Patrick Chamoiseau, Écrire en pays dominé (Gallimard, 1997)C’est à partir de ces mots de Chamoiseau, et toujours de L’Imaginaire des langues d’Édouard Glissant, que la programmation de cette édition a été imaginée. Pour essayer de comprendre ce que devient une langue lorsque celle des colonisateurs fait irruption dans un lieu, une culture. La langue est-elle liée à une identité immuable, serait-elle une entité à jamais figée?
Plusieurs rendez-vous sont ainsi consacrés à la créolité, à la marginalisation des langues et littératures dites mineures et à la glottophobie qui montre à quel point le mépris de l’autre passe aussi par le mépris de la langue de l’autre.En se plongeant dans la complexité des langues et de leurs traductions, certaines des rencontres proposées tenteront de rendre aux mots leur précision, de montrer leur résistance, leur imprévisibilité, leur mobilité.
Pour Virginia Woolf, “les mots détestent tout ce qui leur impose une seule signification ou les contraint à une seule attitude, parce qu’il est dans leur nature de changer.”
La traduction et les langues se font le miroir des inégalités sociétales, mais aussi le remède à la standardisation.