Créé en 1995 sous le nom de prix Amédée Pichot, le Grand prix de traduction de la Ville d’Arles récompense chaque année la traduction d’une œuvre de fiction contemporaine, remarquable par sa qualité et les difficultés qu’elle a su surmonter. Ce prix doté de 3500 euros par la ville d’Arles est remis lors des Assises de la traduction littéraire. Découvrez les six textes et traducteurs nommés dans la seconde sélection du jury 2017.
Autisme, de Valerio Romão, traduit du portugais par Elisabeth Monteiro Rodrigues (Éditions Chandeigne, mai 2016)
En allant chercher son petit-fils Henrique à l’école, Abílio son grand-père apprend qu’il s’est fait renverser par une voiture et qu’il se trouve aux urgences. Rogério et Marta, ses parents, attendent désespérément des nouvelles dans le hall. Autisme est le récit de cette attente hallucinée dans l’univers clos des urgences, entrecoupé de scènes – souvent au vitriol – de la vie quotidienne. Avec une ironie mordante et un humour décapant, Valério Romão dissèque ses personnages au microscope et orchestre leurs voix tumultueuses par des dialogues incantatoires. Les phrases longues tissent entre eux flux de pensée et dialogues avec un travail sur la langue à la fois soutenu et très oral. Roman polyphonique, ce roman coup de poing se clôt par une magnifique Lettre au père.
Né en France en 1974, Valério Romão est rentré au Portugal enfant. Après des études de philosophie, il se consacre à l’écriture. Il est également poète, traducteur (Virginia Woolf, Samuel Beckett) et homme de théâtre. Son premier roman, Autisme, le premier d’une trilogie qui a pour titre «Paternidades falhadas», «Paternités ratées», a eu un grand retentissement critique au Portugal tant par sa radicalité que par son écriture.
Elisabeth Monteiro Rodrigues – traductrice
Née au Portugal, à Vale, en 1973, elle arrive en France à l’âge de 4 ans. Après des études d’Histoire du Proche-Orient ancien, elle se tourne vers les métiers du livre et s’intéresse particulièrement à la littérature écrite sur le continent africain, dans les Antilles et la Caraïbe. Collaboratrice de la revue Africultures de 1999 à 2004, libraire à la Librairie portugaise et brésilienne jusque 2015. Elle traduit depuis maintenant dix ans l’œuvre du grand écrivain Mia Couto et poursuit son travail sur la littérature mozambicaine et angolaise. La littérature portugaise n’est pas en reste avec Teolinda Gersão, João Ricardo Pedro, Valério Romão, Susana Moreira Marques.
Baby Spot, d’Isabel Alba, traduit de l’espagnol par Michelle Ortuno (Éditions La Contre Allée, juillet 2016)
« Avec les films c’ est plus facile, parce que quand les images t’ envahissent et que t’ arrives pas à les effacer, tu peux te consoler en te disant que, comme dans les cauchemars, tout est faux, que rien de ce que tu vois dans ta tête n’ est vrai et que bientôt tout va disparaître pour toujours. Mais ce qui est arrivé au Zurdo, et aussi à Lucas, je sais que c’ est arrivé pour de vrai, voilà pourquoi ça ne sort jamais complètement de ma tête. C’ est pour ça que je veux écrire, pour voir si j’ arrive à faire sortir toute cette histoire et à la laisser pour toujours sur le papier. »
Tomás, un garçon de douze ans, vit dans une banlieue de Madrid. Un soir d’ août, son ami Lucas est retrouvé pendu à une poutre, sur un chantier abandonné.
Tomás se met alors à écrire. Son récit prend l’ apparence d’ un roman noir.
Isabel Alba est une écrivaine, scénariste, photographe. Ces quinze dernières années, elle a allié son activité littéraire et artistique avec l’enseignement dans le domaine de l’audiovisuel. La véritable histoire de Matías Bran est son deuxième roman. Ont été publiés aux éditions Montesinos Baby Spot (2003) et un livre sur la narration au cinéma, Derrière la caméra : le script pour le film (2011) qui a reçu le prix « María de Maeztu ».
Michelle Ortuno – Traductrice
Michelle Ortuno est agrégée d’espagnol. Après des études doctorales à l’Université de Pittsburgh, USA, (Hispanic Langages and Literatures), elle enseigne en lycée.
Passionnée de cinéma, elle a traduit des articles pour la revue « Cinémas d’Amérique Latine » et produit des sous-titres pour le festival « Cinélatino Rencontres de Toulouse ».
Gabacho, d’ Aura Xilonen, traduit de l’espagnol (Mexique) par Julia Chardavoine (éditions Liana Levi, janvier 2017)
Liborio n’a rien à perdre et peur de rien. Enfant des rues, il a fui son Mexique natal et traversé la frontière au péril de sa vie à la poursuite du rêve américain. Narrateur de sa propre histoire, il raconte ses galères de jeune clandestin qui croise sur sa route des gens parfois bienveillants et d’autres qui veulent sa peau. Dans la ville du sud des États-Unis où il s’est réfugié, il trouve un petit boulot dans une librairie hispanique, lit tout ce qui lui tombe sous la main, fantasme sur la jolie voisine et ne craint pas la bagarre… Récit aussi émouvant qu’hilarant, Gabacho raconte l’histoire d’un garçon qui tente de se faire une place à coups de poing et de mots. Un roman d’initiation mené tambour battant et porté par une écriture ébouriffante.
Aura Xilonen est née au Mexique en 1995. Après une enfance marquée par la mort de son père et des mois d’exil forcé en Allemagne, elle passe beaucoup de temps chez ses grands-parents, s’imprégnant de leur langage imagé et de leurs expressions désuètes. Elle a seulement dix-neuf ans lorsqu’elle reçoit le prestigieux prix Mauricio Achar pour son premier roman, Gabacho. Aura Xilonen étudie actuellement le cinéma à la Benemérita Universidad Autónoma de Puebla.
Julia Chardavoine – Traductrice
Normalienne en Lettres (2006), diplômée de Sciences Po Paris et Columbia University en Affaires internationales, Julia Chardavoine est traductrice littéraire depuis le russe et l’espagnol. Elle écrit par ailleurs un essai sur le culte à la Santa Muerte au Mexique et prépare un doctorat en sociologie sur les rapports entre élites économiques et État au Mexique.
En 2015, sa traduction du russe de Livre sans photographies de Sergueï Chargounov, paraît aux Éditions la Différence. Gabacho d’Aura Xilonen, traduit de l’espagnol (Mexique) est sa deuxième traduction. Elle travaille actuellement sur une traduction d’un autre genre : la transcription musicale ! Elle vient de co-réaliser un recueil de partitions de musique pour violon et de transcrire des dizaines de morceaux de son huasteco et de son calentano, une musique traditionnelle puissante et peu connue, faite de rythmes syncopés, de voix de fausset et de mélodies baroques. Le livre devrait sortir en septembre aux éditions Schott Music.
> Lire son entretien avec Santiago Artozqui, publié en juillet 2017 dans En Attendant Nadeau.
> Écouter la rencontre Passage de l’étranger # 25 au CITL le 20 janvier 2017
Histoires rêvérées, de Mia Couto, traduit du portugais (Mozambique) par Elisabeth Monteiro Rodrigues (Éditions Chandeigne, juin 2016)
Comme dans le Fil des missangas, Chandeigne 2010, Histoires rêvérées, de très courtes nouvelles dressent le tableau d’une humanité vent debout. Un grand-père enseigne à son petit-fils à voir l’ailleurs. Une petite fille, ne pouvant se résoudre à abandonner son père au milieu des bombes, se transforme en fleur. Un aveugle, dont le guide est mort à la guerre, nous montre le chemin. Le vieux Felizbento qui, en pleine guerre, refuse de quitter sa maison et qui ne partira qu’à condition d’emmener tous les arbres. Un enfant victime de la barbarie militaire. Le buveur du temps. Une noix de coco pleure et saigne, un hippopotame, dont un dit qu’il serait un trépassé, détruit un centre d’alphabétisation. La guerre des clowns ou comment deux clowns vont semant la guerre de ville en ville… et bien d’autres histoires qui font du rêve le lieu de résistance ultime face aux ravages de la guerre.
Publié en 1994, Histoires rêvérées est un recueil fondamental dans la genèse de l’œuvre de Mia Couto, de son écriture si souvent commentée et de sa filiation avec João Guimarães Rosa. Les néologismes, les idiomatismes, les proverbes détournés, les jeux de mots font ici florès. Autant de singularités que la traduction tente de restituer par des archaïsmes, en détournant l’emploi sémantique ou grammatical des mots, en créant des mots composés ou des néologismes (par la préfixation, suffixation, mots valises et fusion de deux mots), afin de faire entendre le bruissement de la langue.
Elisabeth Monteiro Rodrigues – traductrice
Née au Portugal, à Vale, en 1973, elle arrive en France à l’âge de 4 ans. Après des études d’Histoire du Proche-Orient ancien, elle se tourne vers les métiers du livre et s’intéresse particulièrement à la littérature écrite sur le continent africain, dans les Antilles et la Caraïbe. Collaboratrice de la revue Africultures de 1999 à 2004, libraire à la Librairie portugaise et brésilienne jusque 2015. Elle traduit depuis maintenant dix ans l’œuvre du grand écrivain Mia Couto et poursuit son travail sur la littérature mozambicaine et angolaise. La littérature portugaise n’est pas en reste avec Teolinda Gersão, João Ricardo Pedro, Valério Romão, Susana Moreira Marques.
L’Un l’autre, de Peter Stamm, traduit de l’allemand par Pierre Deshusses (Christian Bourgois éditeur, janvier 2017)
C’est la fin de l’été dans une petite bourgade suisse. Une famille rentre de vacances, elle s’apprête à reprendre le cours d’une existence paisible : Astrid est une mère dévouée, Thomas est un père aimant, Ella et Konrad, élèves de collège, semblent épanouis. Rien ne semble présager la situation à laquelle ils vont se trouver confrontés. Lorsque Astrid se réveille le matin suivant, Thomas est parti. Commence alors une longue errance à travers les montagnes, vers une nouvelle vie.
Le roman de Peter Stamm, qui s’ouvre sur une vie de famille et un retour au quotidien décrit à l’unisson, alterne progressivement les points de vue de Thomas et d’Astrid, comme pour trouver un sens au départ, à la disparition thème majeur de l’œuvre de l’auteur ce, jusqu’à la chute de Thomas dans une crevasse. À la vie à la maison, avec les enfants peu compatissants et un irrépressible désir de revenir en arrière, s’oppose la vie sur les routes, la nature et la volonté de se confronter à son hostilité.
Avec un style dépouillé et sobre, sans jugement de valeur ou de résolution définitive, l’écrivain suisse s’interroge encore une fois sur la notion de couple et de solitude propre à chaque être humain. Qu’est-ce qui lie deux personnes entre elles et jusqu’à quel point ? Quelles sont les limites de notre compréhension de l’autre ?
Peter Stamm est né en 1963 en Suisse. Après des études de commerce, il a étudié l’anglais, la psychologie et la psychopathologie. Il a longuement séjourné à Paris, New York et en Scandinavie. Depuis 1990, il est journaliste et écrivain. Il a rédigé des pièces pour la radio, des pièces pour le théâtre et a collaboré à de nombreux ouvrages. Il fut, à partir de 1997, rédacteur en chef du magazine Entwürfe für Literatur. Il a obtenu en 1998 le Rauriser Literaturpreis pour son premier roman, Agnès. Il vit actuellement à Winterthur. Son recueil de nouvelles Au-delà du lac a été nominé pour le Prix de la Foire du Livre de Leipzig.
Pierre Deshusses – traducteur
Pierre Deshusses est maître de conférences au Département d’études allemandes de l’Université de Strasbourg. Traducteur de Stefan Zweig et de plus de 50 auteurs germanophones (romans, nouvelles, théâtre, essais), il a traduit notamment des œuvres de Goethe, Kleist, Jean Paul, Heine, Hofmannsthal, Doderer, Brecht, Ernst Weiß et Karl Krauss, mais aussi d’auteurs contemporains comme Karen Duve, Markus Werner, Alexander Kluge, Helmut Krausser ou Peter Sloterdijk. Il a reçu en 2008 le Prix du traducteur 2009 de la Kunststiftung NRW (Fondation pour l’art de Rhénanie du Nord – Westphalie). Il est aussi l’auteur d’un anthologie de littérature allemande chez Dunod et correspondant au Monde des Livres.
Pour mémoire (Argentine 1976-1983), de Susana Romano Sued, traduit de l’espagnol (Argentine) par Anne-Charlotte Chasset et Dominique Jacques Minnegheer – Édition bilingue (Éditions Des Femmes-Antoinette Fouque, décembre 2016)
Ce texte sur la torture des femmes et leur tentative de survie dans les centres clandestins de détention de Córdoba est un acte testimonial unique, où la poésie se mêle à l’horreur pour narrer l’indicible. Une lutte contre l’oubli qui fait entendre, à travers la voix et la mémoire de l’auteure, celles de centaines de détenues réduites à jamais au silence par la dictature militaire argentine.
Née en 1947 à Córdoba, en Argentine, où elle réside, Susana Romano Sued est titulaire de la chaire d’esthétique et de critique littéraire moderne de l’Université de Córdoba. Elle est aussi écrivaine, poète, romancière, essayiste, traductrice, psychanalyste. Parmi la vingtaine de livres qu’elle a publiés et qui lui ont valu de nombreux prix et distinctions dans le monde, Pour mémoire (Argentine 1976-1983) est le premier à être traduit en langue française.
Anne-Charlotte Chasset – Traductrice
Traductrice de l’espagnol et de l’allemand vers le français, Anne-Charlotte Chasset est titulaire du master « Traduire le livre » de l’université Paris 8. Depuis janvier 2015, elle est également secrétaire éditoriale aux éditions Des femmes-Antoinette Fouque, pour lesquelles elle a traduit le roman Oméga, de Patricia Rodríguez Saravia (mars 2016), et qui publieront en novembre 2017 sa troisième traduction, Milagro Sala, l’étincelle d’un peuple, de l’écrivaine argentine Alicia Dujovne Ortiz.
Dominique Jacques Minnegheer – Traductrice
Titulaire du master Littérature/s : Textes, Langues, Théories de l’université Paris 8, Dominique Jacques Minnegheer a notamment collaboré avec la revue littéraire franco-argentine Alba (Éditions Reflet de Lettres) et les éditions du CNRS. À l’occasion du Salon du livre de Paris 2014 où le pays invité était l’Argentine, elle a réalisé un dossier sur les écritures contemporaines argentines dans lequel étaient présentées et traduites les œuvres de six auteur.e.s : Niní Bernardello, Susana Romano Sued, Nestor Perlongher, Héctor Viel Temperley, Tamara Kamenszain; Luisa Futoransky. Revue L’Intranquille N° 6, mars 2014. Recension dans la Revue des revues, Matricule des anges, La Quinzaine littéraire.