Assise à table (je suis à un bout, Pablo à l’autre, devant la cheminée), je considère le groupe que nous sommes, nous six, le multinôme (mot bilingue en soi, puisque, comme me le faisait remarquer une professeur de français, pour respecter la racine grecque de nôme on aurait dû dire polynôme). Des traducteurs. C’est la première fois que je fréquente des traducteurs, que je travaille avec des traducteurs, que je parle édition et droits avec des traducteurs. Et le glissement s’opère : s’ils sont traducteurs, alors je le suis moi aussi.
Ce n’était pas évident. Assise à mon ordinateur chez moi, entourée de mes livres, écoutant ma musique… je bidouillais un texte, déplaçant une virgule, laissant tourner sur ma langue plusieurs adjectifs candidats pour en choisir finalement un autre… Non, ma condition de traductrice ne me crevait pas les yeux.
Mais nous voilà ici, autour d’une tâche commune, et l’adoubement a eu lieu.
Et aurais-je pu rêver un plus bel adoubement ? Il se fait tranquillement, tandis qu’on cuisine la soupe en italien, qu’on écrit aux côtés de nos tuteurs, ou qu’on manipule la langue à six. On a des révélations (comme ce cri de joie : « je me suis enfin libérée de mon auteur ! »), on modifie notre façon de travailler, on la confirme aussi parfois (c’est aussi délicat que de la modifier).
Ma révélation, cette semaine, c’était ça, de sentir que je fais partie de cette grande profession, grâce à ce compagnonnage arlésien.
Ce n’était pas évident. Assise à mon ordinateur chez moi, entourée de mes livres, écoutant ma musique… je bidouillais un texte, déplaçant une virgule, laissant tourner sur ma langue plusieurs adjectifs candidats pour en choisir finalement un autre… Non, ma condition de traductrice ne me crevait pas les yeux.
Mais nous voilà ici, autour d’une tâche commune, et l’adoubement a eu lieu.
Et aurais-je pu rêver un plus bel adoubement ? Il se fait tranquillement, tandis qu’on cuisine la soupe en italien, qu’on écrit aux côtés de nos tuteurs, ou qu’on manipule la langue à six. On a des révélations (comme ce cri de joie : « je me suis enfin libérée de mon auteur ! »), on modifie notre façon de travailler, on la confirme aussi parfois (c’est aussi délicat que de la modifier).
Ma révélation, cette semaine, c’était ça, de sentir que je fais partie de cette grande profession, grâce à ce compagnonnage arlésien.
Adrienne Orssaud