
Dans le cadre du projet Archipelagos, porté par ATLAS et co-financé par le programme Europe Créative de l’Union européenne, la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur et La Sofia, Francesca Martino, traductrice littéraire de l’arabe vers l’italien, a effectué une résidence d’exploration de deux semaines en Tunisie.
Découvrez sa démarche d’exploration à travers ce texte écrit lors de sa résidence, en septembre 2024.
Photos © Francesca Martino pour Archipelagos
Septembre 2024.
Me voici à Tunis pour explorer des formes de la modernité dans la littérature tunisienne, en arabe et en français, grâce au projet Archipelagos porté par ATLAS.
Je choisis comme point de chute le centre-ville, près de la fameuse avenue Habib Bourguiba, pour respirer l’air du temps, pour prendre la température de la ville. Il fait encore très chaud. Je rencontre des auteur·e·s, des éditeurs et des éditrices, des personnes travaillant dans la culture et dans le livre. Je fréquente des bibliothèques, des librairies, ou tout simplement je me balade pour m’imprégner des lieux. « La Tunisie est en perpétuel changement », cette phrase est sur toutes les lèvres. La scène arabophone est fourmillante depuis la Révolution. Je recherche des textes qui découlent de ce basculement, qui racontent ce nouvel ordre, en levant le voile sur des tabous et en exprimant désirs et attentes, mais aussi absurdités et contradictions. Des écritures fraîches, immédiates, percutantes. Quant à la scène francophone, j’y aperçois une nostalgie diffuse, un sentiment de langueur généralisé, mis à part quelques nouvelles voix prometteuses.
La lectrice de la rue Dabaghine de Sofiène Rjeb m’emmène dans l’ancien quartier des bouquinistes aux portes de la médina, alors que Malentendues d’Azza Filali me fait voyager jusqu’à l’île de Djerba ; avec Emna Belhadj Yahia et son roman En pays assoiffé, je retrace l’histoire de plusieurs générations de femmes, de l’indépendance à l’après-Révolution, ou encore je me faufile dans les couloirs d’un hôpital psychiatrique de la banlieue de Tunis grâce à la lecture des Carnets d’El-Razi d’Aymen Daboussi, métaphore des maux de la société tunisienne d’aujourd’hui.
La tête emplie de titres et d’histoires, je prends de la hauteur sur ma terrasse pour lire, observer. Mon refuge sur la ville, dont me parviennent les coups de klaxon, des bruits de chantier, le souffle du ‘’métro’’, le brouhaha des gens. Mais aussi, le soir, les altercations entre les chats, des chiens errants aboyant au loin, les feux d’artifice… Le dernier chant du muezzin, peu avant 20h, m’annonce qu’une autre journée de recherche s’est terminée. Deux semaines se sont écoulées déjà, l’air est plus frais à Tunis, il est temps de repartir.
J’observe une dernière fois les silhouettes des immeubles usés par le temps, le profil des palmiers ondoyants au vent, et je souris à l’idée d’emporter avec moi quelques mots de ce changement perpétuel, qui, je l’espère, traverseront la Méditerranée via la traduction.
Merci à toute l’équipe d’ATLAS de m’avoir offert cette opportunité exceptionnelle et à toutes les personnes sur place – nombreuses – qui m’ont accordé un peu de leur temps, le temps d’un café et d’une causerie autour de livres et de littérature.

Retrouvez le portfolio de Francesca, et le fruit de ses recherches, sur archipelagos-eu.org/translators/
À propos d’Archipelagos
Archipelagos est un projet triennal, financé par le programme Europe Créative de l’Union européenne, lancé en janvier 2024. Porté par ATLAS, en collaboration avec 11 partenaires, il a pour objectif de mettre en lumière, auprès des lecteurs et des professionnels du livre, la diversité des voix littéraires d’Europe et le travail d’exploration mené par les traducteur.rices littéraires.
Archipelagos is funded by the Creative Europe programme of the European Union. Views and opinions expressed are however those of the author(s) only and do not necessarily reflect those of the European Union. Neither the European Union nor the granting authority can be held responsible for them.