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Je dois cette note à mes compagnons de « galère » qui entendent mes soupirs à longueur de matinée… Et à A.D. qui a parlé de fatigue harassante à propos de ces livres qu’elle porte en elle jusqu’à en cracher la version française.
Oui, je suis fatiguée.
Mais c’est une belle fatigue, pas de celles qu’on porte sur les épaules ou qui étreignent la poitrine et contraignent la marche, mais de celles qui emplissent le corps et font qu’on le sent complètement, et tous ces muscles qu’on avait oubliés! De celles qui donnent plaisir à s’allonger le soir et à les sentir, ces muscles, se délier.
Bref une belle fatigue de vie qui vit – vibre – vite et pour finir une suite logique: vie, vit, vibre, chibre, vite, bite, ce mot qui rythme le bouquin que je traduis. Ah, celui-là, il m’en donne du fil à retordre, il m’habite, j’en rêve la nuit et résous des problèmes insolubles aux toilettes. Il me fatigue. Il me remplit et me vole mon énergie vitale (vie) pour prendre corps (corpus) – à ce moment-là, alors, j’aurai à nouveau toute ma place dans mon enveloppe charnelle.
Il y a eu, avant lui, l’enfant. Il est ici, tout discret, avec nous dans l’immeuble, mais planqué dans ma chambre avec ses joujoux. Il a pris lui aussi, il y a peu, mon énergie vitale qui lui a donné vie. Je venais juste d’en récupérer un peu pour moi, et voilà que je porte un livre (libre comme j’écris immanquablement sur clavier, à mi-chemin entre l’espagnol libro et le français livre).
Dans les deux cas, même s’ils sont difficilement comparables: expériences fondatrices qui font de moi autre chose. Métamorphose humaine, vit de femme.
(Vite vivre libre. Et transmettre la liberté.)
Adrienne Orssaud